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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:57
  Pour le dernier spectacle de la saison, la semaine prochaine, le Manège se met au vert : vous ne verrez plus jamais votre jardin et ses objets rassurants du même œil.

« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Cette citation de Beckett, (dont la dernière représentation rémoise de son emblématique « En attendant Godot » aura lieu ce soir à la Comédie) s’applique à merveille aux deux pitres qui se démèneront jeudi, vendredi et samedi prochain sur la scène du Manège. 
Ce n’est pas un(e) grain(e) de folie qu’ils plantent dans leur jardin, c’est le chaos qu’ils sèment. Impossible, après les avoir vus, de contempler d’un œil serein une brouette sans se méfier : en certaines mains, elle peut se livrer à une étrange danse. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » Nul doute que Lamartine ne se poserait plus la question après avoir observé les déhanchements de la brouette ou les facéties d'un tuyau d’arrosage qui se prend pour le cercle d'eau (ou de feu) au centre duquel le tigre jardinier se contorsionne : ces outils-là ne sont pas plus inertes qu’inoffensifs, et rien moins qu’apaisants. Si après ces combats épiques, une sieste en hamac vous tente encore, inaltérable est votre sérénité. 
Rien de plus logique pourtant pour des acrobates que de s’approprier les outils du jardinier, puisque « jusqu’en 1979, les arts du cirque relevaient exclusivement du ministère de l’agriculture ». Une telle révélation laisse perplexe, tant tout oppose les deux univers : quand jongleurs et trapézistes ne cessent de défier la pesanteur et de s’approprier les airs, le paysan se courbe sur la terre, toujours aussi basse ; et difficile de trouver plus contraire à l’enracinement des terriens que les chapiteaux qui volent de ville en ville avec la liberté des nomades. Passons.
Toujours est-il que Jean-Paul Lefeuvre (d’abord dessinateur industriel) et Didier André (titulaire d’un brevet professionnel agriculture et élevage) ne sont plus à une transgression près : après des études au tout jeune CNAC de Châlons d’où ils sortent en 1989, ils bravent aujourd’hui avec héroïsme la superstition selon laquelle le vert est proscrit au théâtre, et repeignent couleur gazon l’éternel duo entre l’auguste et le clown blanc. « Dans ce lieu qui ne ressemble pas tout à fait à un Eden, le ver est déjà dans la pomme, [puisque se joue ici la] version bucolique de l’opposition bien connue entre maître et valet » pour emprunter l’expression de Guillaume Schmitt dans la  plaquette de présentation. 
Ou comment faire flèche de toute fleur. 


Publié dans l'Union sous nom marital le 30 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:45

Pour la dernière soirée « Scène Grand écran » de l’année, le Manège propose deux variations sur le thème du chef d’orchestre, démiurge tout puissant le temps d’une symphonie.

En première partie, le chorégraphe Xavier Le Roy, seul en scène, fait le chef, et le public l’orchestre, pour réinterpréter le ballet de Stravinsky, le Sacre du Printemps. (Voir encadré).
 
En seconde partie sera projeté « Infidèlement vôtre ». Un peu moins connu aujourd’hui que les autres grands noms de la comédie américaine des années 1930-40, son réalisateur, Preston Sturges, n’en fut pas moins l’une des figures les plus brillantes, et ne démérite aucunement face à Lubitsch, Capra, Cukor ou Hawks. Comme bien des joyaux de cet âge d’or du dialogue, « Infidèlement vôtre » est un chef d’œuvre à côté duquel la plupart des comédies sentimentales hollywoodiennes contemporaines font figure d’insipides guimauves. Un cinéma issu du croisement entre la verve étincelante de Guitry et le sens du burlesque de Buster Keaton. 
A la fois bavard et très visuel : des répliques qui fusent et font mouche avec la vivacité la plus jubilatoire, dont la puissance est décuplée par une inventivité scénaristique diaboliquement malicieuse et des scènes dont le comique visuel ose l’outrance la plus absurde sans que jamais on ne se dise « Il en fait trop. »
Là est le génie de ce film : dans le burlesque ordinaire, la maladresse crée le chaos et appelle la catastrophe, comme l’abîme appelle l’abîme, dans un effet boule de neige que rien ne peut enrayer.
Ici, Preston Sturges détourne avec virtuosité ce principe dont il cisèle un inénarrable morceau de bravoure qui vaut à lui seul le détour. Dévoré par la jalousie, un chef d’orchestre (Rex Harrison) échafaude pendant un concert de machiavéliques scénarios dans lesquels le public est happé, subjugué par la puissance artistique que lui insufflent les tourments de sa passion. En situation de despote absolu, il fait naître le tragique : mais l’inertie des choses et leur impitoyable résistance le rappellent à l’ordre du réel… et de la comédie. Le tout en musique, chaque état d’âme ayant son compositeur attitré : Rossini, Wagner, ...
Un délice.


Un concert en mime
Au moment où est présenté à Cannes un deuxième opus sur la vie de la couturière Chanel,  « Coco Chanel et Igor Stravinsky » de Jan Kounen, le compositeur russe se voit offrir une réinterprétation originale de son « Sacre du Printemps » par Xavier Le Roy. Il ne s’agit pas pour le chorégraphe de singer les mimiques caractéristiques du métier, déguisé avec la traditionnelle queue de pie. Il s’agit de donner à voir le processus « démiurgique » qui traverse le chef d’orchestre symphonique, comme il a traversé le compositeur au moment de la création. Le rêve de tout politicien. Imaginez un instant que la chambre des députés obéisse aux injonctions de la baguette ministérielle avec la docilité des pupitres instrumentaux. 
Peut-être d’ailleurs pourrait-on définir la musique comme ce qui échappe aux résistances  et aux dissonances de la réalité, comme l’exact contraire de la vie politique ? Une utopie sonore.
Car il y a pourtant une certaine jubilation à se laisser ainsi diriger d’une main de maître par un virtuose sûr de son geste. C’est ce plaisir que pourra éprouver demain soir le public de Manège, puisque la musique surgira des gradins à l’appel du maestro. 
Le chef d’orchestre, ou la tentation de la toute puissance.

Publié dans l'Union sous nom marital le 27 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:40

 Jusqu’au samedi 30 mai à la maison de la Vie Associative, l’exposition « La Maladie de A » pose un regard neuf et sans pathos sur le syndrome d’Alzheimer.  Ou comment la mémoire trébuche.

 « On n’est pas là pour disparaître ». Tel est le titre du roman d’Olivia Rosenthal sorti en 2007 dans la collection « Verticales » de Gallimard. Position ferme, teintée d’un demi-sourire, qui en dit long sur le ton et le sujet de l’exposition qui, depuis déjà le 19 mai, donne à voir autrement « La maladie de A ». 
A comme Alzheimer, dont le nom s’efface derrière sa seule et inquiétante initiale, comme la mémoire de ceux qu’elle ravage. Dans la nuit de l’oubli, tous les lieux sont gris. Ou bleus. « Les photographies sont toutes noyées de bleu, pour rendre perceptible ce que signifie ne plus reconnaître son propre foyer. Seuls apparaissent en couleurs quelques objets familiers susceptibles de réactiver le souvenir » précise le photographe Philippe Bertin. « Je travaille depuis longtemps sur la façon dont la mémoire est attaquée : collectivement, de l’extérieur, par la guerre, comme à Hiroshima, Auschwitz, Oradour-sur-Glane, ou individuellement, de l’intérieur, par Alzheimer. Aujourd’hui, une personne sur quatre a un membre de sa famille proche touché. » 
Un phénomène massif, mais qui pourtant conduit à l’isolement du malade et de ses proches, astreints à une présence et à une aide de chaque instant qui mène souvent à l’épuisement. « Il nous importait donc de permettre aux associations, aux malades, aux simples curieux de se rencontrer et de découvrir un nouveau regard, sans pathos, sur la maladie. » Ou comment réapprendre à communiquer quand la parole fait défaut, quand le lien de la mémoire se délite : en passant par le toucher, le regard, la transition des objets. Par la musique, aussi : hier soir à la Caisse d’Epargne, rue Carnot, le contrebassiste Gaël Ascal et la voix de Philippe Bertin faisaient vibrer leurs cordes sensibles, dans un dialogue entre notes improvisées et mots écrits.
Et dans le décor à la fois étrange et familier des photos exposées, les acteurs amateurs Jean et Suzon expriment ce qui se tisse dans un couple entre le malade et son aide : sans catastrophisme ni angélisme, entre poésie et espièglerie, ils laissent flotter le parchemin de leur vie dans la lumière bleutée qui nimbe la disparition des bateaux derrière la ligne d’horizon.

Le livre d’artiste mêlant les textes d’Olivia Rosenthal et les photos de Philippe Bertin, incluant le DVD « La maladie de A » est offert aux visiteurs de l’exposition, ouverte jusqu’au 30 mai, de 9h à 22h30, (sauf samedi de 9h à 20h.) Des rencontres sont organisées samedi 30 mai de 14h à 16h. A la maison de la Vie Associative, 9 rue Eugène Wiet.


&&&

 Hier soir à la Caisse d’Epargne, le contrebassiste Gaël Ascal et la voix de Philippe Bertin faisaient vibrer leurs cordes sensibles, dans un dialogue entre les notes improvisées de l’instrument et les mots écrits d’Olivia Rosenthal. « Il n’y a pas de répertoire, pas de morceaux figés. Je travaille sur l’improvisation : de manière générale, et plus spécifiquement en ce cas, pour exprimer musicalement la façon dont la mémoire trébuche, reprenant une phrase et l’interrompant », explique Gaël Ascal. La lecture concert sera reprise à Caen en septembre, lors de la journée mondiale d’Alzheimer. 

Publié dans l'Union sous nom marital le 27 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:38
 Du 16 au 23 mai, « Brut de scène », festival de théâtre amateur, est accueilli par l’Espace le Flambeau, et fête cette saison ses 29 ans.

En mai, il n’y a pas que Cannes qui fait son festival. D’ailleurs, il ne doit pas y avoir en France une seule semaine sans son festival, qu’il soit international ou émanant de la commune rurale la plus obscure, comptant ainsi multiplier par mille les trois cents autochtones qui la peuplent habituellement. Comme le souligne l’essayiste Philippe Muray dans son « Homo Festivus », le festival est la gloire des temps modernes, l’apogée de la vie culturelle de notre époque.  

Patrice Tiaffay, son président, présente l’esprit de l’entreprise : il s’agit de fédérer l’énergie créatrice des troupes amateurs de tout le Nord-Est : « Champagne Ardenne, Lorraine et Wallonie. Cette année encore nous combinons une programmation diversifiée et la formation d’acteurs amateurs, jouant ce rôle d’intermédiaire auprès des comédiens, des jeunes, des spectateurs. »

Né en 1980, juste avant l’ère Lang du tout culturel, « Brut de scène » s’est associé depuis 1994 à FESTHEA, festival de théâtre amateur national qui sélectionne une troupe par région afin de concourir à Tours en novembre. Brut de Scène est donc chargé de sélectionner la meilleure troupe de Champagne Ardenne qui participera à Festhea. « Cette année, 7 troupes régionales vont concourir pour accéder à la récompense suprême : représenter la Champagne Ardenne en octobre prochain à Joué-les-Tours. Les résultats de la sélection seront proclamés le jeudi 21 mai. De plus, Brut de Scène c'est dorénavant une programmation sur toute l'année, hors festival. De nombreuses soirées sont ainsi organisées tout au long de la saison sous le label « Brut de Scène » qui est aussi un soutien pour les troupes amateurs en terme de formations, de regards extérieurs, de conseils ou de réseaux. »

En plus des représentations théâtrales, chaque soir entre deux pièces, le public pourra assister à des animations, des concerts, des performances de cracheurs de feu. Sans oublier des contes pour enfants mercredi 20 mai à 14h (lieu à déterminer) et une formation théâtrale proposée les 21 et 23 mai de 10h à 18h concernant les costumes et le maquillage de scène (tarif : 50 euros, inscription préalable)



Publié dans l'Union  sous nom marital le 16 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:33
 Mardi 12 Mai à Bétheny, le pianiste Jean-Marc Luisada et le quintette à cordes « La Chambre d’Amis » se réuniront dans un « Concert de poche » pour interpréter des œuvres de Chopin, Schubert et Puccini. 

 Comme leur nom l’indique, « les Concerts de poche » désignent des concerts de musique de chambre organisés partout en France à un prix très accessible, dans de petites salles, afin de préserver un contact chaleureux avec le public. Les musiciens invités mènent tous une brillante carrière internationale, mais ils ont aussi en commun la volonté de ne pas interpréter les œuvres du haut d’un piédestal figé. Non contents d’offrir en pâture, d’un geste auguste et solennel, les joyaux du répertoire, ils les présentent avec délicatesse dans un écrin d’explications à la fois érudites et fantaisistes. De plus, ils assurent un service après-concert afin de désaltérer la soif de connaissance des spectateurs en même temps que leur gosier. Se réunir dans un concert de poche, ça crée des liens, forcément : surtout si la beauté des œuvres submerge vos écoutilles au point que l’émotion esthétique déborde dans un mouchoir du même nom. 
Or il se pourrait que le vôtre ne reste pas sec au vu du programme d’un romantisme incandescent de ce mardi : en effet, le Concerto en fa mineur de Chopin fut composé en souvenir du grand amour qu’il voua à la jeune cantatrice Konstancja Gladkowska, avant de s’éprendre plus tard, rappelons-le, de George Sand. Quant aux vibrations de Schubert et aux rythmes jubilatoires de Puccini, il faudrait être « botté de marbre, ganté de plomb » comme le Cyrano agonisant de Rostand pour les entendre sans avoir la chair de poule.
Au piano, Jean-Marc Luisada est connu pour être un enchanteur, et il sera difficile de résister au charme du quintette à cordes « La Chambre d’Amis ». Comme on peut s’en douter, cette formation de musique de chambre réunit des amis qui partagent le plaisir de jouer avec les mots autant qu’avec les cordes de leurs instruments, ainsi qu’une vision éclectique de la pratique de leur art et une curiosité intellectuelle qui rend leur conversation particulièrement savoureuse. « Afin d’éviter le syndrome du huis clos souvent étouffant sur la durée d’un quatuor figé, nous avons préféré la structure à géométrie variable d’un trio auquel s’ajoutent régulièrement des musiciens privilégiés » précise Paul Radais, l’altiste et co-fondateur de la formation.
Une idée simple (comme toute idée de génie) à laquelle il fallait penser.


Publié dans l'Union sous nom marital le 9 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:28

Avant-hier, jeudi 7 mai, eut lieu au collège Pierre Brossolette le vernissage de l’exposition « Bled El Khouf » présentant les œuvres confectionnées par deux classes de troisième. Le professeur et l'artiste, catalyseurs d’autoportraits travaillent sur la main, objet de regard et outil de construction.

Depuis le début de l’année, sous l’égide de leur professeur d’arts plastiques, Emilie Pernot, les élèves de 3ème 1 et 3ème 4 du collège travaillent avec l’artiste Ismaël Kachtihi del Moral. Le projet est né au printemps dernier. « Depuis cinq ou six ans, j’explore l’idée d’autoportrait, précise le plasticien. Non pas en peinture, où le genre archi-rebattu est difficilement renouvelable, mais sur divers supports, notamment vidéo. L’idée m’en est venue lorsque j’ai posé à ma mère, restée à Tanger où je suis né, la question suivante : « Si je venais à disparaître, que dirais-tu de moi ? » Et sa réponse était si loin de ce que j’étais, montrait si clairement qu’elle ne me connaissait pas, qu’il apparut nécessaire de poser la même question rituelle à mes amis, la vraie famille contemporaine. J’ai filmé ces réponses, dont l’addition donne un portrait croisé. » 
En somme, transposer de la peinture à la parole le principe du cubisme : juxtaposer les images observées depuis plusieurs points de vue, multiplier les angles et les fragments à défaut de les dépasser, de les transcender pour atteindre une hypothétique essence. Ou plus prosaïquement, appliquer à l’art du portrait la méthode du micro-trottoir : accumuler les opinions en espérant qu’en naisse une bribe de vérité.
Or le thème de l’autoportrait est un formidable catalyseur d’énergies à l’adolescence, cet âge crucial où se tisse la personnalité, où les identités se dépêtrent tant bien que mal avec les fibres emmêlées de leur être en devenir, où se noue et se dénoue le fil des émotions qui les submergent et leur laissent souvent sur les bras l’inextricable écheveau de leurs nerfs en pelote. 
« Afin d’aboutir à quatre courts métrages qu’ils ont eux-mêmes scénarisés et montés, les élèves ont modelé des mains à partir d’accessoires emblématiques, fabriqué des décors, se sont photographiés, jusqu’à concevoir un story-board des petits films qu’ils ont réalisés », explique Emilie Pernot. 
Chacun s’est donc emparé de son autoportrait, tantôt se représentant sous l’aspect stylisé d’un totem animal, tantôt sous les traits d’un personnage historique comme cette « Marie-Auxtoilettes » fort réussie. 
Ou comment l’esprit vient aux jeunes. 



Publié dans l'Union sous nom marital le 9 mai 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:25

La signature de la  véritable Reddition de la Wehrmacht, c’est à Reims, le 7 mai, que ça se passe.  


 Après cinq mois de rénovation et de remise aux normes, le Musée de la Reddition a rouvert ses portes fin avril et accueille les visiteurs gratuitement les 7 et 8 mai pour commémorer l’armistice. 

Il y en a, dans les campagnes, de ces anciennes écoles communales désaffectées qui se recyclent en musées fleurant bon la nostalgie de l’encre violette et des plumes Sergent Major. Mais si ce que les Alliés appelaient "la petite école de brique rouge" et qui fut rebaptisé depuis le lycée Roosevelt est devenu un musée en 1985, c’est que l’Histoire y est entrée par la grande porte. 
Car si l’Europe entière célèbre l’armistice le 8 mai, c’est pour obéir à un caprice de Staline, qui tint absolument à ce qu’une seconde capitulation soit signée à Berlin et remise entre les mains de son Armée Rouge. Non content d’avoir privé des millions de ses compatriotes de la vie et de la liberté dans ses goulags où il offrait avec générosité le gîte, le couvert, l’activité physique et la rééducation mentale, il prive aussi notre belle cité des sacres de l’occasion de figurer dans les livres d’histoire pour de plus exaltantes raisons que pour son vin qui pique et son huile qui oint les fronts royaux.

Parce que l’authentique, la véritable Reddition, c’est à Reims, la veille, entre les dernières heures de la nuit et les premières du jour, qu’elle fut signée, par le général Alfred Jodl commandant les troupes allemandes sur le front de l’Ouest. C’est là, dans la salle des professeurs devenue salle des cartes depuis que l’état major des troupes alliées y a établi son quartier général en février, que David Dwight Eisenhower, chef suprême du corps expéditionnaire allié en Europe et futur président des Etats-Unis, reçut la Reddition sans conditions de la Wehrmacht. 
 Il faut dire qu’une semaine exactement après le suicide de son Führer, le Troisième Reich décapité ne voyait plus bien ni pourquoi ni comment il pourrait continuer à entretenir sa fureur. 
Un lieu à (re)découvrir donc, avec l’émotion que provoque le souvenir des effroyables abominations auxquelles ce jour mit fin.



Publié dans l'Union sous nom marital le 6 mais 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:23

 Cette semaine, la Comédie accueille deux spectacles : « Arrêtez le monde, je voudrais descendre », du Théâtre Dromesko, et « La Visite de la Vieille Dame », de Friedrich Dürrenmatt, par la troupe de RMS dirigée par Malick Gaye. 

« Arrêtez le monde, je voudrais descendre » : le titre même de cet objet scénique non identifié projette déjà le spectateur dans une dimension co(s)mico-poétique annonciatrice d’un vertige peut-être pas déplaisant. Igor et Grichka Bogdanov emmenaient les adolescents des années 1980 dans le cosmos : Igor et Lily, les deux « âmes-orchestres » de ce spectacle inclassable cherchent à répondre à la question que pose le premier d’entre eux : « Est-ce le monde qui tourne ou nous qui valsons ? ». 
On peut certes se le demander, mais il n’est pas garanti que la réponse existe, puisqu’on sait bien depuis la découverte des lois de la gravitation universelle par Kepler et celles de la relativité par Einstein que pas un seul point de l’univers n’est immobile ni n’échappe au tournoiement généralisé. Humains atteints du mal de terre s’abstenir. 
Quelle meilleure métaphore en effet pour désigner le monde que celle du manège ? Il n’est hélas guère d’autre moyen pour en descendre que de le quitter. A moins d’essayer, faute de parvenir à courir aussi vite que lui, de lui opposer ses propres rythmes, sa propre danse. Frotter ses cordes au monde faute de pouvoir l’arrêter. Une ritournelle contre le tournis. C’est ce que semblent avoir choisi les acteurs de la pièce, innervée par des musiciens d’inspiration tzigane dont les vibrations réactivent les pulsations telluriques du chaos. On ne peut le ranger ? Qu’on y danse, donc. « Vous chantiez ? Eh bien dansez maintenant. » Mais c’était bien leur intention ! Et pour donner à cette joyeuse troupe tout l’espace nécessaire à son agitation sidérale et sidérante, une salle de théâtre ne suffisait pas : il lui fallait tout le parvis de la Comédie pour installer sa baraque de bois (avec chauffage et confort, rassurons-nous) et y déployer tout son monde : des danseurs, des acteurs, des musiciens rivés à leurs cordes et une ménagerie en liberté (dindon et cochon, âne et chèvre, poule et chien). Du jamais vu à voir.  

Dans une autre veine mais avec la même volonté de peindre le monde dans ses contradictions, on pourra assister demain, dans la grande salle de la comédie, à la pièce qui valut en 1955 au suisse Friedrich Dürrenmatt un succès éclatant : « La Visite de la Vieille Dame ». Avec les étudiants de RMS, Malick Gaye a mis en scène cette tragicomédie brassant les pires vilenies avec une féroce jubilation. Une vieille dame, chassée de son village dans l’humiliation et le déshonneur, revient cinquante ans plus tard, milliardaire, pour y célébrer son neuvième mariage et y assouvir sa vengeance : veulerie, hypocrisie, cupidité, un festival de vertus qui célèbre les beautés dont sont capables les tréfonds misérables de la nature humaine. Et l’avarice des personnages est proportionnelle à la générosité avec laquelle les étudiants de RMS ont donné bénévolement de leur temps, « sans compter leurs heures, avec l’énergie de vrais professionnels », dixit leur metteur en scène admiratif, Malick Gaye.

Publié dans l'Union sous nom marital le 6 mais 2009



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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:16

 Samedi 9 mai, à l’occasion de la Journée de l’Europe, le Grand Théâtre ouvre ses portes au public pour une découverte des métiers de la scène et des nouveaux talents rémois.

C’est la troisième année que le Grand Théâtre de Reims, comme les 25 scènes qui font partie de la « Réunion des Opéras de France », participe à la journée « Tous à l’Opéra » : une découverte renouvelée tous les ans des métiers de la scène lyrique. Jusqu’à présent, elle avait lieu en février, mais cette année, l’opéra étant un art éminemment européen, elle coïncide avec la journée de l’Europe : il n’est pas rare en effet qu’une même œuvre lyrique réunisse un compositeur allemand, un librettiste italien qui s’inspire d’une pièce française, sans oublier les solistes et les chœurs ou les orchestres qui les accompagnent, souvent encore issus d’autres nationalités.
Il s’agit de montrer l’opéra sous un visage moins austère, moins intimidant ; de prouver qu’il peut être accessible à tous, quelle que soit la génération, quel que soit le bagage culturel. « Il ne faut pas confondre « Tous à l’opéra » avec la Journée du Patrimoine » précise Caroline Mora.  « Il n’y a pas de visite organisée du bâtiment lui-même, bien que divers lieux habituellement fermés au public lui soient ouverts. Ces journées accueillent, outre les habitués, un très nombreux public attiré par l’aspect insolite de la manifestation. Chaque année est axée sur un thème différent : la première était organisée autour de l’activité chorale (chœurs d’enfants, chœur Nicolas de Grigny). La seconde  permit  de découvrir les métiers techniques qui entourent la scène. Cette année, il s’agit d’un partenariat avec le Conservatoire à Rayonnement Régional qui met en lumière les « graines d’artistes » et les étapes qui mènent de l’apprentissage à la maîtrise des métiers de l’opéra.»
Outre les représentations données par les classes de chant, de cuivres, de danse et l’ensemble vocal d’enfants du Conservatoire, des artistes invités seront également présents : la chanteuse lyrique Addoun Tunc ; Faenza, au théorbe et au chant ; Viva, ensemble vocal. Mais il y aura aussi des ateliers au cours desquels on pourra s’initier à l’art du maquillage de scène, essayer des costumes, le tout avec des séances de photos souvenirs. Sans oublier l’exposition des travaux d’élèves du lycée Gustave Eiffel notamment qui témoignent de leur découverte de l’art lyrique.


Publié dans l'Union sous nom marital le 2 mai 2009

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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:05

La culture, ce n’est pas toujours courir après l’actualité, se ruer de concerts en expos. La culture, c’est aussi ce qui résiste aux modes, ce qui est hors du temps, ce qui reste quand on a fini de se hâter.


En mai, lis ce qui te plaît. Pourquoi donc faudrait-il toujours plier ses curiosités aux impératifs de ce qui vient de sortir, de ce qui vient de paraître, et disparaîtra souvent aussi vite qu’il est apparu ? Alors voilà, aujourd’hui, ce n’est pas l’actualité culturelle qui dicte le sujet : c’est l’air fleuri de la saison et les pâquerettes du gazon. 
Car il faudrait certes beaucoup d’abnégation pour avoir envie de s’enfermer dans une salle obscure quand le ciel offre un terrain de jeu si accueillant aux vocalises des oiseaux. Et pour donner une caution culturelle à cette contemplation bucolique qui a toujours inspiré les poètes avant même les Géorgiques de Virgile et le thème de la « Reverdie » au Moyen Age, et bien loin de l’instauration ministérielle du « Printemps des Poètes », on aura soin de se munir d’un mode d’emploi adéquat, où l’on vous explique qu’il est normal que nulle lecture ne résiste pas à la concurrence déloyale que lui livrent le vert translucide d’un feuillage qui danse au rythme de la brise et la virtuosité des merles. Or l’auteur qui sait le mieux capter le plus infime frémissement de la nature dans ce qu’elle a de plus humble et de plus touchant, c’est Christian Bobin. 
Cet orfèvre de la métaphore vit toujours au Creusot où il est né en 1951, loin de l’agitation parisienne et des mondanités. Isolé des autres, réuni au tout, il contemple la beauté des choses, sans crainte d’être moqué par les snobs qui ne jubilent jamais autant que dans le mépris de ce qu’ils ne comprennent pas. 
La plume de Christian Bobin, c’est avant tout un regard, celui de l’artisan solitaire et solaire dont l’œil et la main travaillent en chœur : « Quand je me penche sur une phrase pour la polir, le monde n'est plus qu'un duvet d'oie volant dans la chambre. » Ou encore : « Un seau rempli de lumière. On le renverse d'un seul coup sur le carrelage de papier blanc. »
Philosophe sans dogme, il forge néanmoins la « théorie du brin d’herbe » : « Je me nourris de ce que le monde néglige. Je prends conseil auprès de ces choses sans valeur. Je prends conseil et je prends soin. J'écris. […] Les brins d'herbe passent leur temps à ça : danser au moindre prétexte et remercier pour les grâces chaque jour reçues. » (Autoportrait au radiateur)



Une bibliothèque de nuages

Ce titre de recueil pourrait à lui seul définir son œuvre complète, comme la Comédie humaine pour Balzac ou les Rougon-Macquart pour Zola.
Publié dans la prestigieuse collection blanche NRF de Gallimard, Christian Bobin n’en délaisse pas pour autant les petites maisons d’édition qui l’ont fait connaître et qui confectionnent de somptueux petits ouvrages sur un papier qui appelle autant la caresse du regard que celle des doigts : Fata Morgana, Lettres Vives, Le Temps qu’il fait, etc…
Les titres seuls de ses œuvres sont tout un programme : De la Part manquante à la Présence pure, du Très Bas à la Lumière du Monde, de l’Inespérée à la Plus que vive, de Souveraineté du Vide à L’Enchantement simple, de Mozart et la pluie à l’Autoportrait au radiateur, ils déclinent une présence au monde qui caractérise ceux dont on dit au contraire qu’ils en sont absents : les distraits qui savent voir ce qui échappe à la vision parcimonieuse et crispée du consommateur, ceux qui sont ailleurs que dans la course sourde et myope au toujours plus.
« Ma vie est bien plus belle lorsque je n'y suis pas » confie-t-il dans son Autoportrait au radiateur.


Publié dans l'Union sous nom marital le 2 mai 2009
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Anne Paulerville

  • : La danse du sens
  • : Ce site est un book en ligne où sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008. La consultation par catégories facilite la lecture.
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Il paraît que le sens peut danser sur les mots


Ceci est un book en ligne. Y sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008, toujours au minimum une semaine après leur publication, afin d'y être consultés si besoin est.
La lecture par catégories facilite l'approche.

Nota bene
Ces textes furent rédigés pour une presse dite populaire : la prise en compte du lectorat limite donc l'usage des références culturelles et des figures stylistiques.



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