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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 21:57

Ce samedi soir, les poilus ne seront pas tous morts. Sur la scène du Grand Théâtre, ils ressuscitent dans le souvenir de leurs descendants que nous sommes tous grâce à la comédie musicale de Jacques Duparc, Clemenceau ou la tranchée des baïonnettes.

La tranchée des baïonnettes, c’est ce lieu effroyable, à jamais figé dans nos mémoires glacées d’horreur où furent ensevelis vivants, sous le souffle d’un bombardement de 1916, des rangs entiers de soldats, le fusil encore dressé vers l’horizon boueux des lignes ennemies.

Et c’est ce même devoir de mémoire, dont on parle tant aujourd’hui, menacé plus que jamais par l’oubli, qui a conduit le vendéen Jacques Duparc à composer ce spectacle construit autour de Georges Clemenceau, entre élans de l’hémicycle et amertume des tranchées.

“J’ai choisi la comédie musicale dramatique”,
dit Jacques Duparc, “parce que c’est la forme artistique la plus populaire pour la jeunesse, et parce que la musique et le chant réveilleront la mémoire de ce Vendéen pas ordinaire et de ces poilus extraordinaires”.

Il y a chez le compositeur et chanteur lyrique une conviction qui, loin d’asservir l’art à un message qu’il doit transmettre et dans lequel il se dissout comme c’est parfois le cas chez les artistes engagés, crée une Union Sacrée entre le beau, le bon et le vrai. Ce qu’ont, depuis longtemps, compris les religions et les armées, sachant bien qu’il n’est rien de tel qu’un chant et le son d’un fifre ou d’un orgue pour galvaniser les troupes ou pour élever les âmes. 
« Arma virumque cano. » (Je chante les hommes et les armes.) écrit Virgile dans l’Enéide.

Dans une œuvre moderne mais qui alterne, comme les tragédies grecques, chœurs, arias et dialogues, Jacques Duparc fait de même, non pas bien sûr pour exalter les valeurs de la guerre, mais pour rendre perceptible aux générations d’aujourd’hui l’atmosphère particulière de 1914, l’inconcevable inconscience de ceux qui s’en allaient, la fleur au fusil, vers « une guerre courte, fraîche et joyeuse. »
Et pour faire entendre la lente installation de l’horreur, pour redonner la parole à des milliers de sacrifiés, il s’est inspiré de journaux et de lettres de poilus rédigés entre un éclat d’obus et une coulée de boue, entre le harcèlement des rats et une attaque de gaz moutarde.
Sans craindre le reproche qu’on pourrait lui adresser de céder au pathos, il articule cette fresque épique autour de la figure centrale du « Tigre », du « Père la Victoire » qui, pourtant, loin de ces images de fanfaronnades patriotiques, dans la mélancolie de sa vieillesse, songe qu’il n’est pas de victoire quand le prix à payer fut si lourd, et qui avait vite compris que le Traité de Versailles n’était pas la paix, mais un simple armistice qui portait en germe la sanglante revanche de la Seconde Guerre.



Publié dans l'Union sous nom marital le 29 novembre 2008
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Anne Paulerville

  • : La danse du sens
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Il paraît que le sens peut danser sur les mots


Ceci est un book en ligne. Y sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008, toujours au minimum une semaine après leur publication, afin d'y être consultés si besoin est.
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Nota bene
Ces textes furent rédigés pour une presse dite populaire : la prise en compte du lectorat limite donc l'usage des références culturelles et des figures stylistiques.



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