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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 00:23

Dans le cadre du festival Méli’mômes, le Manège accueille l’adaptation pour la scène d’un conte taoïste, où percussionnistes et acteurs oeuvrent de concert.

Ce vendredi 10 avril, ce sera au tour du Manège de livrer ses planches, non à un menuisier, mais à un tailleur de pierre. Rien à craindre donc pour la sécurité de l’édifice, pas plus que pour la vertu des chastes oreilles qui seront invitées à écouter la morale de la fable. Car il s’agit là d’un conte initiatique dont votre progéniture ressortira plus sage qu’à l’entrée. Et ce service-là n’a pas de prix.
En outre, si vous n’êtes pas satisfait de votre sort et aspirez à être khalife à la place du khalife, ce conte est fait pour vous rasséréner : « à défaut de transformer le monde, autant le comprendre et s’en accommoder. » Là est le fondement du discours stoïcien, mais avouez que se l’entendre raconter en images est nettement plus divertissant. 
Jugez vous-mêmes. 
Pour rappel, le taoïsme désigne une sagesse inspirée par le personnage plus ou moins mythique de Lao Tseu qui vécut en Chine au VIème siècle avant notre ère. Prodigue en fables, le taoïsme a fécondé le langage courant plus encore que les morales de notre La Fontaine national. Et rien de plus puissant qu’une métaphore pour faire passer un message. (Etymologiquement, une « méta-phore » signifie que l’on « trans-porte » le sens abstrait d’une idée vers le sens concret d’une image : toute culture est un tissu de métaphores.)
Har est un petit tailleur de pierre mécontent de son maigre salaire, qui envie grandement la richesse de son patron. Comme dans tout conte qui se respecte, se présente donc un bon génie qui lui propose de le transformer en ce qu’il souhaite. S’ensuit alors une série de métamorphoses qui lui font gravir un à un les échelons de la société, jusqu’au statut suprême de roi. Mais Har s’aperçoit que, si haut que l’on se trouve dans la hiérarchie, on n’en demeure pas moins simple humain, soumis à la pesanteur et assis sur son arrière-train, fût-ce sur un trône. Le voilà donc transformé en nuage, en vent, puis en montagne. Rien de plus souverain et inébranlable qu’une montagne ! Mais…
(Il est assurément de fort mauvais goût de dévoiler la fin d’un récit à ceux qui voudraient la découvrir par eux-mêmes. Mais tout le sel de cette histoire malicieuse réside dans sa chute, et il serait surhumain de résister à la tentation de vous livrer la fin savoureuse de la fable. 
Vous êtes donc libres de ne pas lire les lignes qui suivent, et priés d’éloigner vos enfants s’ils lisent le journal par-dessus votre épaule.) Mais la montagne d’Har sentit qu’on la frappait. C’était la piqûre d’un burin, manié par un petit tailleur de pierre qui avait raison de sa majesté. Percutant, non ? 


Publié dans l'Union sous nom marital le 8 avril 2009
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Anne Paulerville

  • : La danse du sens
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Il paraît que le sens peut danser sur les mots


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Ces textes furent rédigés pour une presse dite populaire : la prise en compte du lectorat limite donc l'usage des références culturelles et des figures stylistiques.



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