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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 21:56
Le temps passe, l’esprit reste.
 
 Pour la troisième fois, l’académicien Jean d’Ormesson répond à l’invitation de Reims Management School pour présenter aux Rencontres Passerelles son dernier livre, « Qu’ai-je donc fait ? »

Avant d’animer hier soir de sa verve le grand amphithéâtre de RMS, Jean d’Ormesson faisait à l’heure du thé une entrée discrète mais attendue dans la petite librairie - café « Rose et son roman », 76 rue Chanzy, pour une séance de dédicace de son nouveau testament, « Qu’ai-je donc fait ». 
On ne peut écouter parler Jean d’Ormesson sans le voir. On entend dans le son de sa voix la forme de son sourire et la malice de son regard. Nulle grandiloquence ne résiste à la saveur de cette diction pétrie de classiques. D’Ormesson partage avec Luchini cette même jubilation du verbe pur, ce même regard dont on se demande si la séduction tient à sa couleur ou à l’océan de citations qu’il contient, et une façon de faire sonner les phrases avec une précision qui indique sans ambiguïté à l’auditeur qu’il serait sacrilège d’en laisser perdre une miette de virgule.
Le plus rebattu des lieux communs se trouve d’emblée restauré dans sa gloire de vérité éternelle et prend des allures de gourmandise. Car d’Ormesson, ancien normalien, agrégé de philosophie, a la culture assez vaste et l’intelligence assez vive pour ne pas avoir besoin, afin de donner l’illusion d’être original, de dédaigner les grandes vérités des génies qui l’ont précédé d’un rictus de bon entendeur revenu de tout. 
Cet admirateur de Chateaubriand ne se soucie pas plus d’être original que d’être à la mode. 
« Je ne me suis pas démodé, parce que je n’ai jamais été à la mode. Je n’ai pas été existentialiste avec Sartre, je n’ai pas suivi le Nouveau Roman, je n’ai pas été trotskiste en mai 68. On m’a catalogué réactionnaire parce que je continue à entretenir avec ferveur le culte de la beauté à une époque où l’on considère comme ringard et consternant de parler de « beauté » en art. On m’a catalogué écrivain catholique parce que je n’ai pas éprouvé le besoin de piétiner mon héritage culturel, alors même que je suis profondément agnostique, entouré de tant de gens qui « savent » que Dieu existe ou non. On m’a catalogué de droite parce que j’ai très vite compris que Hitler et Staline n’étaient qu’une seule et même chose, et qu’en 1940, c’était De Gaulle qui s’opposait à l’horreur. »
D’Ormesson a quelques agacements : « ceux qui nient leurs origines et se présentent comme fils de cheminot quand leur père est président de la Compagnie nationale des wagons lits », peu de regrets (« le remords est une seconde faute » Spinoza), des craintes sur l’avenir, et un pessimisme serein et mélancolique que les superficiels prennent pour un optimisme béat.



Publié dans l'Union sous nom marital le 21 janvier 2009
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Anne Paulerville

  • : La danse du sens
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Il paraît que le sens peut danser sur les mots


Ceci est un book en ligne. Y sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008, toujours au minimum une semaine après leur publication, afin d'y être consultés si besoin est.
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Nota bene
Ces textes furent rédigés pour une presse dite populaire : la prise en compte du lectorat limite donc l'usage des références culturelles et des figures stylistiques.



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