31 janvier 2010
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Johann Le Guillerm est un personnage peu banal. Une prodigieuse force d’attraction qui donne corps à la pesanteur.Une machine à voyager dans l’espace-temps à lui tout seul.
Dans le temps : par ses poulaines d’acier, ces chaussures médiévales aux interminables bouts pointus, il semble échappé de la Cour des Miracles ou du Parvis du Notre Dame de Paris d’Hugo.
Dans l’espace ensuite, parce qu’il se plait autant à déstabiliser le spectateur qu’à stabiliser dans l'équilibre précaire d’improbables assemblages de poutres de chantier. Ses Architextures exposées au Cirque de Reims donnent une idée assez impressionnante de ce qu’il accomplit durant son spectacle, intitulé Secret.
La démarche se situe à l’exact opposé de ces cirques clinquants qui font claquer leur fouet au pied des fauves en cage et exhibent dans un vacarme assourdissant leurs exploits fanfarons.
Au contraire, Le Guillerm illustre cette maxime emblématique de la sagesse classique : « On ne domine la nature qu’en lui obéissant. » Il ne cherche pas tant à vaincre la pesanteur comme un jongleur ou un trapéziste. Il lui donne corps plutôt, chacune des poutres posées dessinant dans l’espace les lignes de force auxquelles elle doit son fragile équilibre, dans une mécanique qui n’obéit qu’aux lois de l’empirisme le plus humble, dans un contact rugueux avec la matière. Car l’artiste ne cherche pas à éblouir par sa virtuosité. Comme l’alchimiste du Moyen-Age qui prépare à l’aveuglette ses élixirs, il semble plutôt tâtonner, dans une « science de l’idiot » qui ne calcule pas, qui ne croit que ce qu’il voit et ce qu’il touche.
Et ses constructions alambiquées impressionnent justement à cause de leur fragilité : à la limite du point de rupture, il suffirait d’un souffle pour que la Trixélice, le Palque ou le Pentapied s’effondrent comme un château de cartes sur celui qui jongle plus encore avec les mots qu’avec les choses.
Car il y a du suspens dans le spectacle de ces constructions enchevêtrées : le succès n’est jamais assuré, les lois de la pesanteur demeurent souveraines, et l’on se surprend à chercher malgré soi les filins invisibles qui retiendraient cette inconcevable tour de Pise au plafond. Mais non, ce n’est pas à un fil que tout cela tient : c’est à son propre poids, à la gravité même, dont il se joue en la flattant, partenaire d’airain qui ne pardonne pas.
Dans le temps : par ses poulaines d’acier, ces chaussures médiévales aux interminables bouts pointus, il semble échappé de la Cour des Miracles ou du Parvis du Notre Dame de Paris d’Hugo.
Dans l’espace ensuite, parce qu’il se plait autant à déstabiliser le spectateur qu’à stabiliser dans l'équilibre précaire d’improbables assemblages de poutres de chantier. Ses Architextures exposées au Cirque de Reims donnent une idée assez impressionnante de ce qu’il accomplit durant son spectacle, intitulé Secret.
La démarche se situe à l’exact opposé de ces cirques clinquants qui font claquer leur fouet au pied des fauves en cage et exhibent dans un vacarme assourdissant leurs exploits fanfarons.
Au contraire, Le Guillerm illustre cette maxime emblématique de la sagesse classique : « On ne domine la nature qu’en lui obéissant. » Il ne cherche pas tant à vaincre la pesanteur comme un jongleur ou un trapéziste. Il lui donne corps plutôt, chacune des poutres posées dessinant dans l’espace les lignes de force auxquelles elle doit son fragile équilibre, dans une mécanique qui n’obéit qu’aux lois de l’empirisme le plus humble, dans un contact rugueux avec la matière. Car l’artiste ne cherche pas à éblouir par sa virtuosité. Comme l’alchimiste du Moyen-Age qui prépare à l’aveuglette ses élixirs, il semble plutôt tâtonner, dans une « science de l’idiot » qui ne calcule pas, qui ne croit que ce qu’il voit et ce qu’il touche.
Et ses constructions alambiquées impressionnent justement à cause de leur fragilité : à la limite du point de rupture, il suffirait d’un souffle pour que la Trixélice, le Palque ou le Pentapied s’effondrent comme un château de cartes sur celui qui jongle plus encore avec les mots qu’avec les choses.
Car il y a du suspens dans le spectacle de ces constructions enchevêtrées : le succès n’est jamais assuré, les lois de la pesanteur demeurent souveraines, et l’on se surprend à chercher malgré soi les filins invisibles qui retiendraient cette inconcevable tour de Pise au plafond. Mais non, ce n’est pas à un fil que tout cela tient : c’est à son propre poids, à la gravité même, dont il se joue en la flattant, partenaire d’airain qui ne pardonne pas.
Publié dans l'Union sous nom marital le 13 décembre 2008