Du 14 au 18 octobre 2008, la Comédie de Reims propose une création de Julie Bérès, Sous les Visages.
Comme le titre l’indique, il s’agit de la mise au jour des multiples identités que recèle chaque visage humain. Dans une société contemporaine tiraillée entre l’exhibition de performances technologiques et économiques de plus en plus foisonnantes, et d’autre part le précaire isolement de tout individu qui ne répond pas à ces exigences formatées, la tentation est grande pour ces derniers d’oublier leur identité propre pour se fondre dans celle qui leur est montrée en exemple, qui est attendue d’eux.
Et l’on assiste alors à la virtualisation des rapports humains, à une identification absolue où la personne, réduite dans toutes les dimensions de sa vie au simple rôle de spectateur, ne se distingue plus de l’archétype qui la fascine. Une vie par procuration à la limite de la sidération, où l’individu renonce précisément à ce qui le constitue (in-dividu, entité indivisible, intégrité inaliénable) pour se fractionner en une infinité d’images.
Et l’invasion de ces images imposées s’oppose précisément à la liberté de l’imaginaire personnel, à l’émergence de paysages intérieurs, de jardins secrets inaccessibles.
Le règne de l’apparence prend le contrôle des consciences, s’insinue dans l’armature intime de chacun pour s’y substituer peu à peu. Logos (ceux des grandes marques, des belles icônes) contre logos (celui de Platon et d’Aristote), lutte de pouvoir dont l’enjeu consiste à prendre le contrôle des territoires disponibles dans le cerveau de chacun.
Ce qui se joue à cette échelle vertigineuse du subconscient se traduit, sur le plan de la représentation, par une mise en images fortement teintée de surréalisme, puisqu’il s’agit de donner à voir ce qui se trame dans le sous-sol de nos crânes.
Publié dans l'Union sous nom marital le 11 octobre 2008