9 février 2010
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Une épopée toute en masques et en danses
L’Asie est décidément sur toutes les scènes de Reims, cette saison. Après Casse-Noisette par le Cirque de Pékin au Grand Théâtre pour la Saint-Sylvestre, et alors qu’on pourra y voir aussi Adieu ma concubine et Les Trois jours de la queue du dragon en avril, voici le tour de la Comédie.
Pour une fois, ce ne sont pas les touristes occidentaux qui vont à la Thaïlande, mais la Thaïlande qui vient aux occidentaux. Le Siam (ancien nom de la région), son tourisme, sa cuisine, ses chats, ses frères et soeurs … et sa culture, la grande ignorée par chez nous de l’affaire.
Vendredi soir à la Comédie, le public rémois pourra donc découvrir un univers théâtral aux antipodes du nôtre. Le « Khon » est en effet le titre d’un « opéra fabuleux » qui tient à la fois du théâtre, de la musique et de la danse. Ce récit très codifié, comme toutes les expressions scéniques traditionnelles extrême-orientales, est mené sans dialogues et s’apparente à une sorte de mime : les acteurs et acrobates, dont l’identité est clairement reconnue grâce à leurs masques, demeurent muets, et s’expriment tant par leurs gestes que par leurs costumes. Le contenu de l’histoire est assuré par un narrateur, qui tient le rôle du chœur antique dans les tragédies grecques. La trame qu’illustre la chorégraphie relève de l’épopée ancestrale : elle est donc connue du public auquel elle s’adresse initialement.
Pour trouver un équivalent dans notre culture, il faudrait probablement imaginer la version théâtrale des aventures homériques d’Ulysse et de ses compagnons, l’Iliade et l’Odyssée sur les planches. Et l’on comprend mieux la nécessité de codifier les personnages et les événements, car on verrait mal comment représenter sur scène des combats de titans, des monstres géants ou la colère divine des éléments naturels. Car il s’agit bien des mêmes combats des hommes et des dieux. Ce qu’on appelle le « Ramakirti » ou « Ramakien », version thaï du « Ramayana » indien, conte les aventure du prince Rama, avatar du dieu Vishnu, et l’enlèvement de son épouse Sita, qui constitue l’épisode le plus connu de cette épopée.
Et percevoir les différentes façons, d’un continent à l’autre, de concevoir les rapports entre l’humanité et les forces de l’univers symbolisées par les dieux peut être d’un grand secours pour comprendre la philosophie quotidienne, la manière de réagir face aux aléas de la vie, d’aborder les questions ordinaires de l’existence. Car les mythes fondateurs ne relèvent pas seulement de la culture. Ils traduisent en narration, ils rendent visibles et compréhensibles tout ce qui constitue le climat insaisissable d’une société, tout ce qui modifie le substrat universel de la nature humaine d’une civilisation à l’autre.
Publié dans l'Union sous nom marital le 28 janvier 2009